1772-01-13, de Voltaire [François Marie Arouet] à Anne Duvoisin.

Cette Lettre, Madame, sera pour vous, pour Monsieur Duvoisin, et pour Madame vôtre mère.
Toute la famille Sirven se rassembla chez moi hier, en versant des larmes de joie. Le nouveau parlement de Toulouse venait de condamner les premiers juges à paier tous les frais du procez criminel; celà est prèsque sans éxemple. Je regarde ce jugement que j’ai enfin obtenu avec tant de peines comme une amande honorable. La famille était errante depuis dix années entières. Elle est ainsi que la vôtre un éxemple mémorable de l’injustice atroce des hommes. Puisse Madame Calas ainsi que tous ses enfans, goûter toute leur vie un bonheur aussi grand que leurs malheurs ont été cruels! Puisse vôtre vie s’étendre audelà des bornes ordinaires, et qu’on dise après un siècle entier, Voilà cette famille respectable qui a subsisté pour être la condamnation d’un parlement qui n’est plus!

Voilà les vœux que fait pour elle le vieillard qui va bientôt partir de ce monde,

V. t. h. ob. serv.

V.