23e 7bre 1771, à Ferney
Je n’ai pas été assez impudent pour oser interrompre mon héros dans son expédition de Bordeaux, mais s’il a un moment de loisir qu’il me permette de l’ennuier de mes remerciements pour la bonté qu’il a eu dans mes petites affaires avec les héritiers de Madame la princesse de Guise, et avec mon héros lui même.
Vous avez de plus, Monseigneur, la bonté de me protéger auprès de Monsieur le Duc D’Aiguillon. Je ne savais pas, quand j’eus l’honneur de vous écrire, qu’il fût enfin décidé que Versoy, dont il était question, serait entièrement dans le département de M: Le Duc De la Vrilliere. Je l’aprends et je me restrains à demander les bontés de Monsieur Le Duc D’Aiguillon pour la Colonie que j’ai établie. Elle est assez considérable pour attirer l’attention du ministère, et pour mériter sa protection dans le païs étranger. Son commerce est déjà très étendu. Elle travaille avec succez, et ne demande ni ne demandera aucun secours d’argent à M: L’abbé Terray. Je désire seulement qu’on daigne la recommander à Paris à Mr D’Ogny, Intendant général des postes, et en Espagne à Mr Le Marquis D’Ossun, qui nous ont rendu déjà tous les bons offices possibles, et que je craindrai encor moins d’importuner quand ils sauront que le ministre des affaires étrangères veut bien me protéger.
J’ai été entrainé dans cette entreprise assez grande, par les circonstances prèsque forcées où je me suis trouvé; et je ne demander pour assurer nos succès que ces bontés générales qui ne compromettent personne.
C’est dans cet esprit que j’écris à Monsieur le Duc D’Aiguillon, et que je me renomme de vous dans ma Lettre. J’espère que vous ne me démentirez pas. Il ne s’agit, encor une fois, que de me recommander à Mr le Marquis D’Ossun et à Mr D’Ogni. Si vous voulez bien lui en écrire un petit mot, je vous en aurai beaucoup d’obligation.
Je vous demande bien pardon de vous fatiguer de cette bagatelle, mais après tout c’est un objet de commerce intéressant pour l’état, et qui augmente la population d’une province. Vous êtes si accoutumé à faire du bien dans celle que vous gouvernez que vous ne trouverez pas ma requête mal placée
Conservez vos bontés, Monseigneur, à vôtre plus ancien courtisan, qui vous sera attaché avec le plus tendre respect jusqu’au dernier moment de sa vie.
V.