1771-10-21, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charles Augustin Feriol, comte d'Argental.

Mon cher ange, il faut que je vous avoue qu’aiant été malade, et voulant mettre de l’ordre dans mes affaires, j’ai brûlé tous mes papiers pour avoir plutôt fait.
Vôtre lettre dans cette expédition a malheureusement suivi le sort de mes paperasses; mais je crois n’avoir pas tout à fait perdu la mémoire de vos ordres.

N’y a t-il pas cinq montres à vous envoier? Parmi ces cinq montres n’y en a t-il pas deux à répétition, l’une qu’on veut paier dixhuit Louis, et l’autre dix sept? Elles ont été toute deux commandées sur le champ; celle de dixsept ne vaudra pas l’autre. Vous aurez les trois montres sans répétition dans le même tems. J’adresserai le tout à Mr D’Ogny, si vous le trouvez bon. Il me fait de ces petits plaisirs là quelquefois, et j’aurai le tems d’attendre vos instructions que je ne brûlerai plus.

Je vous avais prié de vouloir bien dire un mot en faveur de notre pauvre colonie à Mr le Duc D’Aiguillon, mais heureusement il a prévenu vos solicitations par la Lettre la plus obligeante. Ainsi je ne vous suplierai que de lui parler de ma reconnaissance quand l’occasion s’en présentera.

Je ne sais si vous êtes à Fontainebleau ou à Paris, mais si vous voiez notre Lekain, aiez la bonté de lui dire que je suis aussi sensible à ses succez que lui même.

Les affaires d’Affrique et d’Argos iront comme elles pouront.

Comme le traitté a été fait il y a longtems, il est bien difficile d’y ajouter de nouvelles clauses. Ce sera pour le congrès qui ne se présentera pas sitôt. Il faut laisser passer Pierre le cruel, et la Dame de Padilla, et tous ceux qui voudront passer. Mes jeunes candidats savent attendre, et le vieil hermite de Ferney sait vous aimer jusqu’à son dernier soupir.

V.