Paris ce 4 Juin 1771
Il a été envoyé à Monsieur de Voltaire, un In-4. des malheurs de L’Infortunée Pologne, dans l’espérance que lui qui sent ou devine si bien la générosité et L’humanité, seroit touché de l’état où la noble et courageuse nation est réduite en défendant sa liberté et ses Loix; Et j’aprens dans le moment qu’il Vient encore d’employer sa plume pour donner aux Polonois des torts sur le respect qu’ils devoient à celle qui les opprime, à qui ils ne doivent que leur haine et pis encore; quel malheur pour la Pologne d’avoir à craindre et à respecter une puissance qu’elle a dédaigné et refusé de dominer autrefois, Et ne doit-on pas pardonner ce qui peut échaper à un si Juste ressentiment contre leur tyran?
Je me plains, Monsieur, de Votre rigueur, et de Votre dureté pour une nation où Vous êtes estimé. Le feu Roi de Pologne Stanislas, Vous a témoigné estime et amitié aussi bien que tous les Polonois qui étoient ou qui passoient à sa Cour. Cela devoit vous prévenir un peu pour eux. Pour moi, Monsieur, aussi soumise et fidèle sujette du Roi, que fière et indomptée Polonoise, je sais combien on peut sentir et penser différemment dans deux nations différentes. Ne jugés donc pas en Français des Polonois, et n’ajoutés pas à leurs malheurs, L’Improbation de tous les ignorans qui confondent les genres de gouvernement, et L’état réel des choses, dont le nombre est déjà fort grand. Et pourquoi en Voulés-Vous être, Vous qui n’avés pas les mêmes raisons? La gloire de Votre héroïne a t-elle besoin de ce laurier d’iniquité encore? Vous me trouverés d’une témérité bien punissable, mais j’avoüe que je ne puis ni penser, ni parler de Votre héroïne sans frémissement. Devoit-elle succéder à Henry IV et à Charles XII?