1761-06-18, de Voltaire [François Marie Arouet] à Louis Gaspard Fabry.

Monsieur,

Il m'est extrêmement important pour maintenir le bon ordre dans la terre de Ferney, de savoir qui sont ceux qui ont osé déposer la calomnie en question le 9e Juin dernier, devant le sieur Castin qui se dit official de Gex; je sçais bien qu'il a fait une procédure très illégale et très répréhensible en procédant contre des séculiers, sans intervention de la justice du Roy, je sçais encor qu'il a manqué aux Loix, en faisant comparaitre un nommé Brochu qui êtait décrété de prise de corps, je sçais de plus qu'il n'est nullement en droit d'éxercer la charge d'official attendu qu'il est curé.
Ce n'est pas de toutes ces procédures méprisables et punissables que je suis inquiet, mais je le suis beaucoup de savoir qu'il y a dans mes terres des malheureux assés lâches et assés ingrats pour déposer des calomnies absurdes contre leur bienfaiteur; ils sont coupables même d'avoir comparu, car aucun séculier ne doit répondre en pareil cas à aucun juge d'église. Je vous aurais Monsieur la plus sensible obligation si vous vouliés bien m'apprendre leurs noms, il faut dans une terre connaitre le caractère de ses vassaux.

Si vous voulés Monsieur joindre à cette bonté, celle de me renvoyer les plans que vous avés bien voulu permettre que je misse entre vos mains, et dont j'ay besoin pour mes ouvriers, vous me ferés un sensible plaisir. Je vous renouvelle mes remerciments et mon attachement. J'ay l'honneur d'estre dans ces sentiments

Monsieur

Votre très humble et très obéïssant serviteur

Voltaire