1771-01-07, de Voltaire [François Marie Arouet] à Élie Bertrand.

Voicy, Monsieur, le tems des neiges où je suis mort; et je me soulêve un peu de mon tombeau pour vous dire que c’est avec vous que je voudrais vivre.

J’ai fait une grande perte dans Mr le Duc et dans Made la Duchesse de Choiseul. On ne peut compter sur rien de ce qui dépend de la cour. Le premier homme de l’état n’est jamais sûr de coucher chez lui. Vous ne connaissez pas chez vous de pareils orages; vous jouïssez dumoins d’une tranquilité assurée, et je tiens cette possession bien préférable aux autres.

On dit qu’il va paraître en Pologne quelque ombre de pacification. Celà vous intéresse; je vous crois toujours attaché au Roi. Vôtre Pologne est assurément pire que la France; nonseulement on ne couche pas chez soi dans ce païs là, mais on y est tué sur le pas de sa porte.

Voicy un petit ouvrage que vous ne connaissez probablement pas, et que je vous envoie pour vos étrennes.

Je vous embrasse de tout mon cœur, et vous souhaitte tout plein de bonnes années.

V.