1771-01-03, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jeanne Grâce Bosc Du Bouchet, comtesse d'Argental.

Ma foi, Madame, vous venez trop tard.
J’aurais cru devoir au moins un petit mot de respect et d’attachement; je l’ai donné, et je crois qu’on le trouvera fort bon. On n’a jamais commandé l’ingratitude; je suis hors de ligne, et la voix d’un pauvre mourant ne peut faire ombrage à personne.

Je suplie instamment Monsieur D’Argental de vouloir bien me renvoier les cinq anti-Crebillon.

Je parle de vôtre montre tous les jours, et j’espère bientôt vous l’envoier. Il n’y aura rien à y refaire; ce n’est pas comme l’œuvre des onze jours, aussi y en a t-on mis d’avantage. Ma pauvre colonie ne se trouvera pas bien de cette affaire cy. Tous les malheurs m’arrivent à la fois. J’avais recommandé mes fabriques à M: le cardinal de Bernis, il n’en a tenu compte; je me suis mis en colère contre lui; il s’est moqué de ma colère. Vous ne me parlez point de lui, Madame; c’est peut être parce qu’on en parle beaucoup.

Renvoiez moi toujours mes cinq actes si vous voulez en avoir cinq autres.

Mille tendres respects à mes anges.

V.