11e janv: 1771
Eh bien, Madame, vous aurez des marcassites montées sur de l’argent avec crochet d’or.
C’est sur celà qu’on attendait vos ordres pour travailler parce qu’il faut que le metteur en oeuvre travaille pour la montre. Il y a longtems qu’elle est commencée. Savez vous bien qu’il faut cinquante paires de mains pour faire une montre, et que ce n’est pas une petite affaire d’avoir établi trois fabriques dans un village, en neuf mois de tems?
Je persiste toujours à croire qu’il est très permis d’écrire des balivernes à des Dames qui sont comme moi à la campagne au mois de Janvier.
A propos de balivernes, j’en attends cinq, et même six que je vous ai supliée de vouloir bien me renvoier. Je vous avais bien dit qu’il fallait absolument vingt deux jours à ce jeune homme. Il les a emploiés le mieux qu’il a pu pour plaire à mes anges. Cette plaisanterie devient très sérieuse. Il faudrait avant que je mourusse, que j’enterrasse Crebillon qui m’avait enterré. J’ai revu son Atrée, celà m’a paru le tombeau du sens commun, de la grammaire et de la poésie. On croirait que c’est l’ouvrage d’un Vandale qui a quelque génie, et qui a mal apris nôtre langue. Ce sera vous à voir s’il faudra mettre Mr Le Duc de Duras dans la confidence.
Aureste, ne croiez pas que je fasse ces tours de force tous les mois. J’ai baissé beaucoup depuis ce tems là, et j’ai pensé mourir ces jours cy.
Je vous suplie quand vous écrirez à vôtre ami de vouloir bien lui dire qu’il y a un vieux sorcier au milieu des neiges de la Suisse qui lui est attaché pour le reste de sa vie.
Mille tendres respects à mes deux anges.