Monsieur, L’arrivée du Prince Henri de Prusse à Petersbourg a été suivi de la prise de Bender que je Vous annonce, l’un et l’autre m’a empêché de répondre à Vos trois lettres que j’ai reçue consécutivement.
Les nouvelles publiques assurent ainsi que le Comte Orlof s’est emparés de Lemnos. Nous voilà parfaitement dans le Pays des fables. Je craint qu’avec le tems cette guerre ne paraisse fabuleuse elle même. Si le mamamouchi ne fait pas la paix cet hiver je ne répond point de ce qui lui arrivera l’année qui vient. Un peu de ce bonheur encore dont nous avons vu des essais et l’Histoire des Turks pourra fournir un sujet nouveaux de Tragédie pour les siècles futurs. Vous dirés Monsieur que depuis les succès de cette Campagne je suis dans les grands air, mais c’est que depuis que j’ai du bonheur l’Europe me trouve beaucoup d’esprit. Cependant à quarante ans on n’augmente guère devant le seigneur en esprit et en beautée. Je pense effectivement avec Vous que bientôt il sera tems que j’aille étudier le Grecs dans quelque Université, en attendant on traduit Homere en Russe. S’est toujour quelque chose pour le comencement, nous verrons d’après les circonstance s’il sera nécessaire d’aller plus loin. L’Esprit du peuple Turk ce range de notre côté; Ils disent que leurs sultan est insensé d’exposer son Empire à tant de revers et que le conseil de ses amis deviendra funeste aux Musulmans. Adieu Monsieur, porté Vous bien et priés Dieu pour Nous.
Caterine
ce 7/18 d’Oct: 1770