6e Juin 1770, à Ferney
Mon ancien ami, comme il y a un an que je n'ai reçu de vos nouvelles, j'ignore si vous demeurez aux incurables2, ou au fauxbourg st Antoine.
Je supose que vous n'avez apris la mort de votre frère qu'au bout de trois mois, et que dans deux ans vous me manderez si vous avez touché quelque chose de la succession. Il est bon de mettre de grands intervales dans les affaires; celà donne le tems de réfléchir, et prévient les fausses démarches.
Vous avez peut être rencontré depuis vôtre dernière Lettre, c'est à dire depuis quinze mois, les héritiers de l'abbé de Chateauneuf qui se sont arrangés avec vous pour le dépôt de la belle gardeuse de cassette. Vous vous êtes accommodé sans doute avec l'assemblée du clergé, afin que dès qu'elle sera dissoute on puisse produire Mr Billard et l'abbé Grizel sous le nom de Mr Garant. Je crois qu'on mettra partout Philosophieà la place de Théologie, pour ne point éffaroucher les âmes timorées. Mr D'Argental et Mr Marin se chargeront de vos intérêts: car si on s'en remettait à vous nous n'en saurions des nouvelles que dans trois ans. Vous sçaurez que dans trois ans j'en aurai environ quatre vingt, s'il plaît à Dieu.
Je supose que vous recevrez ma Lettre en quelque endroit de ce monde que vous soiez gîté. Je vous adresse celle que je dois à Mr De Salse. Quelque louange que je lui donne je ne lui ferai pas la moitié du plaisir qu'il m'a fait.
Faittes bien mes compliments, je vous prie, à Mr De Montmercy. Portez vous bien, vivez longtemps, et aimez moi.
V.