1770-06-01, de Voltaire [François Marie Arouet] à Louise Honorine Crozat Du Châtel, duchesse de Choiseul.

Madame,

Je crois que vous avez fait une gageure d'exercer votre patience, et moy de pousser à bout vos bontez.
J'ay eu l'honneur de vous parler dans une de mes lettres de sept frères tous au service du Roy, dont les jesuites avaient usurpé l'héritage pour la plus grande gloire de Dieu. Voicy je pense l'ainé de ces sept Machabées. Il prétend qu'ayant été auprès de vous madame le secrétaire des capucins je dois à plus forte raison, être celui des officiers qui ont été blessez au service. Je ne sçais pas ce qu'il demande. Pour moy je ne demanderais à Versailles que l'honneur et la consolation de vous entendre.

Tout le monde croit dans mon pays de neiges que j'ay un grand crédit auprès de vous depuis l'avanture des capucins, et surtout depuis celle des montres. Moy qui suis excessivement vain, je ne les détrompe pas. Ils viennent tous me dire: allons notre secrétaire, vite une lettre pour madame la duchesse qui fait du bien pour son plaisir. Je baisse les oreilles, j'écris et puis je suis tout honteux et je voudrais m'aller cacher.

J'ay l'honneur d'être avec un profond respect, et en rougissant de mes hardiesses

Madame

votre très humble, très obéissant et très obligé serviteur

Voltaire