18e fév: 1770
Ma foi, Monsieur, aiant bien pesé tout ce que vous avez la bonté de m'écrire, je prends le parti de faire une élégie en prose que j'envoie à Mr Le Duc De Choiseul.
La Mothe fesait bien des odes en prose. J'y ajouterai une exhortation patétique pour bâtir quelques maisons. Je ne sais si après cette avanture les maisons de Genêve seront bien louées. Je ne crois pas que les étrangers s'empressent à envoier leurs enfans étudier à l'académie de Genêve, ni que beaucoup de metteurs en œuvre viennent offrir leurs services aux citoiens marchands de montres. La colère de Dieu éclatera sur la maison de Jacob, et je m'imagine que Mr Le Duc De Choiseul sera l'Amalecite dont Dieu se servira pour châtier son peuple.
Made Denis attend avec bien de l'impatience le moment de vous voir. Vous savez que nous ne dinons plus; je n'ose vous promettre de vous des œufs frais, attendu qu'on vient de me voler mes poules. Je n'ose en accuser le conseil de Genêve, car il faut être juste.
En vérité le monde est bien méchant. Vous souvenez vous d'un grand homme assez bien bâti nommé Bougroz, et de sa prétendue femme Bougroz qui sont venus vous demander des passeports? C'étaient des voleurs (ne vous déplaise), et pis que des voleurs de poules. Mais comme je suis capucin, je mets tout celà au pied de mon crucifix de bois. Daignez agréer ma bénédiction.
†: frère V: Capucin indigne