1770-05-01, de Voltaire [François Marie Arouet] à Gabriel Amable Sénac de Meilhan.

Monsieur,

Si vous vous souvenez encore de moi, permettez que je recommande avec la plus vive instance à vos bontés un citoyen de la Rochelle, qui à la vérité a le malheur d'être ministre du saint évangile à Geneve, mais qui est le plus doux, le plus honnête, et le plus tolérant des hommes.
Il ne vient dans sa patrie pour quelque temps que pour les intérêts de sa famille, et compte repartir dès qu'il les aura arrangés. Il ne s'agit ici en aucune manière de la parole de dieu qu'il prêche le plus rarement qu'il peut à Geneve, et qu'il ne prêchera certainement point à la Rochelle. Il a été pasteur d'une église où j'avais un banc et nous l'appelions brebis plutôt que pasteur. C'est le meilleur diable qui soit parmi les hérétiques. Je vous prie, monsieur, de lui accorder votre protection, et point d'eau bénite de cour, attendu qu'il n'aime l'eau bénite d'aucune façon. Je regarderai comme des faveurs faites à moi même, toutes les bontés que vous voudrez bien avoir pour lui.

J'ai l'honneur d'être avec respect

monsieur

votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire