1770-03-26, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charles Augustin Feriol, comte d'Argental.

Mon cher ange, je vous remercie de tout mon cœur de la consultation de mr Bouvard.
J'avais oublié de vous remercier de Sémiramis, c'est un vice de mémoire et non du cœur. Je vous ai envoyé un mémoire sur Fréron qui m'a été adressé par son beau-frère, et qui me paraît bien étrange. Si vous découvrez quelque chose touchant cette affaire, ayez la bonté, je vous prie, de m'en instruire.

Je ne sais aucune nouvelle des grandes opérations de m. l'abbé Terray, je trouve seulement qu'il ressemble à mr Bouvard, il met au régime.

Je m'amuse actuellement à travailler à une espèce de petite encyclopédie que quelques savants brochent avec moi. J'aimerais mieux faire une tragédie, mais les sujets sont épuisés et moi aussi.

Les comédiens ne le sont pas moins, on ne peut plus compter que sur un opéra comique.

J'avais fait il y a quelque temps une petite réponse à des vers que m'avait envoyés m. Saurin. Cela n'est pas trop bon, mais les voici, de peur qu'il n'en coure des copies scandaleuses et fautives. Je ne voudrais déplaire pour rien au monde, ni à mon bon patron st François, ni à frère Ganganelly.

Comme l'ami Grizel n'est pas de notre ordre, je crois que la charité chrétienne ne me défend pas de souhaiter qu'il soit pendu, et que l'archevêque le confesse à la potence, ce qui ne sera qu'un rendu.

Je me flatte que la santé de made D'Argental se fortifie, et se fortifiera dans le printemps. Je me mets au bout des ailes de mes deux anges.

V.