1770-03-21, de Voltaire [François Marie Arouet] à Bernard Joseph Saurin.
Il est vrai, je suis capucin,
C'est surquoi mon salut se fonde;
Je ne veux pas dans mon déclin
Finir comme les gens du monde.
Mon malheur est de n'avoir plus
Dans mes nuits ces bonnes fortunes,
Ces nobles grâces des élus,
Chés mes confrères si communes.
Je ne suis point frère frapart
Confessant sœur Luce et sœur Nice,
Je ne porte point le cilice
De saint Grizel, de saint Billard.
J'achève doucement ma vie,
Je suis prêt à partir demain
En communiant de la main
Du bon curé de Mélanie.
Dès que Monsieur l'abbé Terré
A sçu ma capucinerie,
De mes biens il m'a délivré.
Que servent-ils dans l'autre vie?
J'aime fort cet arrangement;
Il est leste et plein de prudence.
Plût à Dieu qu'il en fît autant,
A tous les moines de la France!

Mon cher confrère, vous voiez par ma réponse combien je mérite que Madame Saurin veuille bien baiser ma barbe. Si on pend Grizel je vous prie d'obtenir qu'on me nomme pour son confesseur. Vous verrez avec quelle sainteté je m'acquiterai de cette douce commission. Vôtre invariable partisa[n] et ami

frère François V.