1770-02-08, de Bernard Joseph Saurin à Voltaire [François Marie Arouet].
Tu viens de prendre la besace
Et le cordon de saint François;
Vêtu de froc, frère Pancrace,
Nous allons voir de tes exploits:
Par la grâce du saint capuce
Tu seras auprès de sœur Luce.
Aussi j'envie qu'en tes écrits,
En tes écrits que tout Paris,
Attend, comme au désert le peuple sans prépuce,
Le fameux peuple d'Israel
Attendait la manne du ciel.
Mais n'aurais tu suivi qu'une ambition folle?
Aux lauriers immortels dont il a le front ceint
Voltaire voudrait il joindre, encor, l'auréole
Et grand homme en ce monde être dans l'autre un saint?
Si c'est ton projet, tu t'abuses,
Capucin tant qu'il lui plaira,
Voltaire, jamais ne sera,
De ces gens qu'on invoquera
Si ce n'est au temple des muses
Où plus d'un autel il aura.

Il passe ici pour constant, mon cher confrère, que vous avez pris l'habit de capucin. Cela paraît un peu extraordinaire: Apollon s'est fait berger, il a pris la houlette, mais il ne s'est pas mis dans un froc. Ma femme me charge de vous dire qu'elle va devenir dévote à st François et qu'elle baise très respectueusement la barbe de frère Voltaire.