1770-02-06, de Voltaire [François Marie Arouet] à Louise Suzanne Necker.

Il me parait, Madame, que le plaisir de servir le public est un excellent remêde pour Monsieur Neker.
On dit qu'il a parlé avec la plus grande éloquence à la séance de la compagnie des Indes. Je vois de plus en plus que vous étiez faits l'un pour l'autre.

J'ai lu l'abbé Galliani; on n'a jamais été si plaisant à propos de famine. Ce drôle de napolitain connait très bien nôtre nation. Il vaut encor mieux l'amuser que la nourir. Il ne fallait aux Romains que Panem et circenses. Nous avons retranché panem, il nous suffit du circenses, c'est à dire de l'opéra comique.

Vous êtes bien bonne, Madame, de tenir encor pour l'ancien goût de la Tragédie; soiez bien persuadé que vos Lettres me font beaucoup plus de plaisir que les battements de mains du parterre; vous êtes mon public.

J'ai l'honneur d'être avec plus que du respect, Madame, vôtre très humble et très obéissant serviteur

V . . . ..