1769-10-30, de Voltaire [François Marie Arouet] à — Genep.

Recevez, Monsieur, mes très rendres remerciements de la bonté que vous avez eue de me faire connaître la belle Lettre que j'ai écrite au Roi de Prusse.
Il y a deux ans que je ne lui ai écrit: et come ma dévotion n'a pas laissé de faire quelque bruit dans le monde, il pourait fort bien croire que la Lettre est de moi, et qu'en qualité de bon chrétien je lui reproche son impiété. Tout le monde me conseille à Genêve de désavouer cet écrit dans les papiers publics.

Permettez, Monsieur, que je vous envoie la Lettre que j'écris à ce sujet à Mr Le Duc De Grafton; elle est à cachet volant; aiez la bonté de la lire, vous verrez qu'il y a moins de verbiage dans mon désaveu que dans l'écrit qu'on m'impute; oserais-je encor vous suplier de faire cacheter proprement la Lettre pour Mr Le Duc de Grafton. Je joins encor à cet envoi une Lettre pour un gentilhomme anglais de mes amis. Je vous prie d'ajouter à vos bontés celle faire parvenir sûrement ces paquets par la poste.

Les Anglais poussent un peu loin la Liberté de la presse; ils ont toujours trop dans les choses que nous n'avons pas assez.

Je vous remercie d'avance de la grâce que j'attends de vous.

J'ai l'honneur d'être avec bien de la reconnaissance, Monsieur, Vôtre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire