1769-10-15, de Marie Louise Denis à Voltaire [François Marie Arouet].

Mon cher ami notre grande affaire est si longue et vous me paraissez vous soussier si peu de sa réussite, que je prands le parti de la planter là.
J'ai reçu une lettre de Mr de la Sourdiere qui m'a mendé qu'il ne peut me donner de réponce de si tos. Cela me détermine à partir. Je Comte me mettre en route le 23 de ce mois, avec Mr François Tronchin, qui est ici chez son frère et qui retourne aux Délices. Je ne sçais si vous me reverez avec quelque plaisir. Pour moi je n'aspire qu'au moment de vous embrasser et il y a vint mois que je suis dans cette situation.

J'ai vu Mr de Laleu pour l'affaire de la succession des Guises. Il m'a donné le titre que j'ai montré à Mr Pinon du Coudret. Il faudra aller par justice car il n'y a pas moien de rien tirer de Mr l'abbé Blette. Je lui ai demendé le nom du régisseur de la terre. Il m'a répondu qu'il n'y en avait point et qu'on avait affaire qu'à lui. On dit que cet abbé Blette ne donne de l'argeant que lors qu'on lui fait de gros présans. Je ne lui en ai point fait n'y ne suis en état de lui en faire.

J'ai emprunté sur mon billet cent louis pour partir. Je laisse à mon beaufrère toutes mes affaires, toutes mes detes, mes meubles et ma maison à louer car Mme Derlac c'est dédites.

J'ai pris le parti de voiager avec Mr Tronchain parce qu'il m'en Coûtera moins et qu'il est fort utille à une femme d'avoir un homme avec elle en route.

Je viens de voir Mr Dalember qui m'a donné une lettre pour vous que je vous porterai. Mr Dargental est à Fontainebleau. Mr de Rochefort voulait venir avec moi, mais sa femme est grosse. J'aurai bien des choses à vous dire de tous vos amis mais j'en aurai bien davantage pour mon Comte. Adieu Mon cher ami, on m'accabl[e d'a]ffaire. J'ai trois personnes sur mon dos, une m'aporte un mémoir que je ne paierai pas, l'autre me fait une question, une autre fait des paquets, et c'est cette besogne qui me fait le plus plaisir. Je vous embrasse et vous aime de tout mon Coeur.