1768-01-02, de Voltaire [François Marie Arouet] à Alexandre Marie François de Paule de Dompierre d'Hornoy.

Mon cher conseiller je vous souhaite pour l'année 1748 ou 49 baucoup de plaisir, des affaires aisées, une femme qui ait de la bauté, de l'esprit et de la raison, peu de remontrances, et point de goutte.

Qui aurait cru que la tracasserie entre le parlement et mr de Chardon m'aurait vivement intéressé? et m'aurait été personelle? Rien n'est pourtant plus vrai. Touttes les affaires ont des contre-coups qu'on ne soupçonnerait pas. Mr de Chardon devait raporter au conseil du Roy lundi dernier 29 décembre la cruelle et importante affaire des Sirven. La querelle que lui fait le parlement aura suspendu ce raport. Elle peut sur tout avoir diminué le crédit de M. de Chardon, et inspiré une grande défiance sur sa manière de traitter les affaires. On sera difficilement de l'avis d'un homme accusé d'avoir sacrifié la justice à la faveur. Peutêtre même l'affaire des Sirven ne sera jamais reprise. Il y a cinq ans que je la poursuis. Voilà de grandes peines et de grandes dépenses perdues. S'il s'est passé quelque chose de nouvau au sujet de M. Chardon, vous me ferez grand plaisir de m'en avertir.

Venons à l'affaire de Mr Blet dont vous avez eu la bonté de vous charger, et dont maman et moy nous vous remercions de tout notre cœur.

Je dois environ vingt quatre mille francs, à Geneve, et à Lyon. Le Duc de Virtemberg n'est pas en arrière avec moy comme les Richelieu et les Guise, mais il doit, et il faut attendre. Je mets tout en règle, mais nous sommes un peu embarassez dans le moment présent. Nous avons quatre ménages à entretenir et nous avons eu des régiments à festoier.

Si mr de Laleu est en avance avec moy, je dois sans doute le rembourser. Mais je ne crois pas qu'il soit en avance attendu qu'il ne paye mr de la Borde, banquier du Roy, que tous les six mois. Il faut surtout mon cher neveu que Monsieur le turc et vous, vous soiez payez, et si vous ne l'êtes pas, la première chose est de vous nantir sur l'argent que donnera mr Blet.

M. le maréchal de Richelieu doit actuellement au dernier décembre 1767 de compte arrêté 27425lt.

Puisque vous voulez bien avoir la bonté de vous charger pour moy de faire recouvrer ce qui m'est dû par M. le maréchal de Richelieu et par la succession de Guise, et que vous trouvez bon que je vous envoye une procuration, la voulez vous sous seing privé? la voulez vous par devant notaire? Décidez. Je crois qu'il faut du notaire pour les Guises.

Nb. Tronchin le ferm. génal n'a plus de correspondance à Lyon.

Mes compliments au cadi Notmig. Je chante illa allah Mahometh resoul alla avec luy.

Et vous monsieur le dragon postulant revenez bien vite avec un brevet de capitaine revoir maman marmotte et marmotine. Je vous embrasse tous du meilleur de mon cœur.