25e 7bre 1769
On vous envoie, Ma chère amis, ces rogatons pour vous amuser si vous avez du temps de reste, ou pour amuser quelqu'un de vos amis.
Que dittes vous de Le Kain qui s'est avisé de jouer Gustave à Toulouse, aulieu de paraître dans le rôle de Vandôme comme il l'avait promis? Mr De Chimêne prétendait qu'il ferait jouer les Guebres à Fontainebleau, et qu'il en avait parole de mr Le maréchal de Richelieu. Mr De Richelieu m'a mandé tout le contraire, et je m'y attendais bien. On donnera à Fontainebleau les Scythes, Mérope et Tancrède.
Je commence à craindre que l'affaire de Sirven ne soit point finie avant la st Martin, et que ma santé ne me permette pas de faire le voiage de Toulouse, malgré les empressements qu'on me témoigne. Quelque chose qui arrive, je crois que vous devez conclure vôtre marché avec made D'Erlac, et que le plutôt sera le mieux. C'est mon cœur qui vous parle; il n'y a point de meilleur conseiller que l'amitié. Si vous ne vous ennuiez pas à Ferney ma vie y sera heureuse. Si nous allons dans un païs chaud il faudra y éssuier l'embaras insuportable des nouvelles connaissances. Choisissez, encor une fois, je suis à vos ordres.
Puisque vôtre neveu d'Hornoy n'est point à Paris, ne pouvez vous pas vous transporter chez mr De La Leu et lui demander le contract passé avec le prince et la princesse de Guise? Je le ferais signifier en Loraine au Régisseur de Régicour. On ne peut, autant qu'il m'en souvient, demander que cinq années d'arrérages, et on nous en doit plus de dix; celà est bien cruel. L'homme d'affaires nommé Le Sueur que Mr De La Leu emploie, et que je paie, n'a point fait apparemment les diligences nécessaires, quoi que j'aie toujours recommandé qu'on les fit. Si toutes nos affaires vont de même nous n'aurons pas dequoi donner des spectacles.
J'espère un succez plus prompt dans les affaires de Montbelliard, malgré le guignon attaché aux vieux malades. Je crois que ce guignon se répand sur l'affaire proposée par made Le Long. Mr de La Sourdiere m'a fait entendre à demi mot qu'elle ne réussirait pas. Si j'en avais cru ma façon de penser, je me serait pas remis entre les mains de vôtre notaire que je crois un homme très dur, et pour qui j'ai toujours eu le plus sincère mépris. J'avais toujours désiré que la gestion de mon bien ne dépendit de personne. Vous savez quel enchainement m'a fait esclave des autres. Il faut se soumettre à la destinée et achever malgré moi ma pauvre vie dans la dépendance. Si vous m'aimez je me croirai libre, et je serai consolé; l'amitié vaut mieux que tous les notaires. J'attends vôtre dernière résolution, elle règlera toutes les miennes.
V.