1769-09-16, de Voltaire [François Marie Arouet] à Marie Françoise de Laborde Desmartres.

Madame,

J'ai reçu les mémoires que vous avez bien voulu m'envoier touchant vôtre procez.
Je ne suis point avocat; j'ai soixante et seize ans bientôt; je suis très malade: je vais finir le procez que j'ai avec la nature. Je n'ai entendu parler du vôtre que très confusément. Je ne connais point du tout le supplément aux causes célêbres dont vous me parlez. Je vois par vos mémoires, les seuls que j'aie lus, que cette cause n'est point célêbre, mais qu'elle est fort triste. Je souhaitte que la paix et l'union s'établissent dans vôtre famille, c'est le plus grand des biens. Il vaut mieux prendre des arbitres que de plaider. La raison et le véritable intérêt cherchent toujours des accommodements. L'intérêt mal entendu et l'aigreur, mettent les procédures à la place des procédés. Voilà en général toute la connaissance que j'ai du Barreau.

Vôtre Lettre, Madame, me parait remplie des meilleurs sentiments. Mr De La Borde, premier valet de chambre du Roi, passe pour un homme aussi judicieux qu'aimable; vous semblez faits tout deux pour vous concilier, et c'est ce que vôtre Lettre même me fait espérer.

J'ai l'honneur d'être avec respect

Madame

Vôtre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire gentilhome orde de la chambre du Roy