1768-10-15, de Voltaire [François Marie Arouet] à François de Varagne, marquis de Bélestat.

Monsieur,

Il y a longtemps que je vous dois des remerciements de vos bontés, et de l'éloge de Clémence Isaour.
Mais ma vieillesse est si infirme, et j'ai été pendant deux mois si cruellement malade que je n'ai pu remplir aucun de mes devoirs. Un des plus chers et des plus pressés était de vous témoigner l'estime que vous m'avez inspirée. L'académie devrait mettre vôtre éloge à la fin de celui que vous avez prononcé de sa fondatrice. Vôtre stile, et vôtre façon de penser sur la littérature m'ont également charmé. Si je comptais encore au nombre des vivants, je désirerais passionnément de vivre l'ami d'un homme de vôtre mérite.

Vous n'ignorez pas sans doute, Monsieur, qu'on vend publiquement sous vôtre nom à Genève et dans tous les païs voisins, un éxamen de l'histoire de Henri 4 du sieur Buri. L'éxamen est assurément beaucoup plus lu que l'histoire. Oserai-je vous demander dans quelle source est puisée l'anecdote singulière qu'on trouve à la page 31, que 'Les états de Blois dressèrent une instruction par laquelle il est dit, que les cours des parlements sont des états généraux au petit pied'? Cette anecdote est si importante pour l'histoire que vous me pardonnerez sans doute la liberté que je prends.

Si vous n'êtes pas l'auteur de cet éxamen sous vôtre nom, souffrez que je vous suplie de me dire à qui je dois m'adresser pour être instruit d'un fait si unique et si peu connu.

J'ai l'honneur d'être avec autant d'estime que de respect

Monsieur

Vôtre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire gentilho ord. de la chambre du roy