1768-08-15, de Pierre Michel Hennin à Voltaire [François Marie Arouet].
Le 15 qui n'est pas plus auguste que le 16 ( Août peut être barbare comme pain, mais il est seul pour signifier un de nos mois et auguste a déjà ce me semble assez d'étendue. Pardon, c'est peut-être la seule chose en quoi je ne pense pas comme vous)

Il est vrai M. que Made de Montoux s'étant addressées à moi dans l'embarras où elle se trouve j'ai été bien aise de rendre service à cette bonne dame qui est fort à plaindre. Comme je crains toujours de vous importuner, je ne me suis pas pressé de vous rendre compte de ma conférence avec M. de Foncet dans la quelle il a été question de votre créance. Votre bon cœur vous a fait hazarder de l'argent sur une terre déjà hypotéquée. Cependant si l'arrangement projetté a lieu vous ne perdrez au plus que ce que vous avez bien voulu perdre. Ce n'est pas la peine d'écrire tout le détail du projet. Au premier jour je vous le ferai de vive voix.

Votre ami le R. de Pologne est un peu malmené par votre amie l'Impre Catherine et votre ami le Primat m'a l'air de les jouer tous les deux. En attendant les Russes sont fort affamés de la Châsse de st Stanislas et du thrésor de son Eglise. Cracovie va vraisemblablement être au pillage. Ou je me trompe fort ou ce ne sont pas là des affaires bien et honnêtement conduites. Cultivons notre Jardin et ne nous chagrinons ni des sottises ni même des crimes de ce meilleur des mondes. Je compte bien vous aimer longues années ici bas sans compter la suite. Qui est ce qui digère? J'ai la goute et vous courez comme un basque.