1760-06-27, de Voltaire [François Marie Arouet] à Baron Friedrich Melchior von Grimm.

Mademoiselle Vadé a reçu la charmante lettre du Cher Prophète; elle s'imagine qu'Habacuc ne paye point de ports de Lettres attendu la secrétairerie du premier prince de Juda.
Partant, elle hazarde ce paquet, et en fera tenir incessamment un autre dans un autre goust pour varier. Elle aura toujours une grande attention pour les besoins de Lefr., pour ceux de Mtre Abraham, du divin Polissot; elle respectera comme elle le doit le journal de Trevoux, le journal chrétien, et tous les sages persécuteurs; elle fait mille Compliments au philosophe de la Rüe Tarane; s'il se trouve jamais à Paris quelque honnête Libraire qui veuille imprimer le sermon du Cousin Vadé il fera une bonne œuvre; elle écrira demain un petit mot à la belle philosophe qui a de si beaux yeux et un si bon cœur.

Aureste, mlle Vadé est un peu malade, mais elle croit que rien n'est plus sain que de rire, et elle rit beaucoup de tout ce qui se passe; elle embrasse de tout son coeur le Cher prophète; c'est dans le fonds une très bonne fille, quoi qu'elle ait l'air un peu malin.