[? c. October 1760]
S'il y a des esprits de travers parmy vous, comme il y en a dans touttes les communautez, il me semble que les bons ne doivent pas payer pour les méchants; et qu'on n'en doit pas moins estimer un Bourdaloue parce qu'on méprise un Garasse.
Ce monde cy est une guerre continuelle; on a des ennemis et des alliez. Vous voilà alliez contre le gazetier janséniste, et je souhaitte que le journal de Trevoux ne me fasse pas d'infidélités. Il ne faut pas ressembler au bon David qui pillait également les Juifs et les Philistins.
Dans cette guerre interminable d'autheurs contre autheurs, de journaux contre journaux le public ne prend d'abord aucun parti que celuy de rire. Ensuitte il en prend un autre; c'est celui d'oublier à jamais tous ces combats littéraires. Le gazetier eclésiastique s'imagine que l'Europe s'occupera longtemps de ses feuilles, mais le temps vient bientôt où l'on nettoye la maison, et où l'on détruit les toiles des aragnées. Chaque siècle produit tout au plus dix ou douze bons ouvrages, le reste est emporté par le torrent du fleuve de l'oubli. Qui se souvient aujourdui des querelles du père Bouhours et de Menage? et si Racine n'avait pas fait ses tragédies saurait on qu'il écrivit contre port Roial? Presque tout ce qui n'est que personel est perdu pour le reste des hommes.