1768-06-16, de Voltaire [François Marie Arouet] à Gabriel Cramer.

Votre fils mon cher Caro fera très bien de vous ressembler à la musique près que vous n'aimez pass.
Vous mettez la paix dans Geneve avec madame Oudrille. Vous jouez assurément un très beau rôle. Plût à dieu qu'on dît de moy que je suis un gros jouflu, très bien venu des belles et des citadins. Le malin qui a composé cet ouvrage ne m'a pas si bien traitté. Il dit que ma prose et mes vers sont moisis dans votre magazin. Cependant je ne me plains pas; et vous faites semblant d'être contristé. Où avez vous pris qu'un homme aimable qui aime la joye et les festins est un goinfre? Relisez vos dictionaires.

Si pourtant quelque sage enchanteur réimprime jamais cette terrible guerre dont on a tiré six mille exemplaires je feray tout ce que vous voudrez, je vous peindrai sec, triste, ennemi de la société et de la paix, préférant du vin de Chouilli au vin de Beaune, enfin dévoué aux prêtres, et commentant st Paul comme du Luc le père. Tout le monde vous reconnaîtra.

Allez, croyez moy riés, réjouissez vous, et moquez vous de tout, mais aimez moy.

V.