1768-06-06, de Voltaire [François Marie Arouet] à — Dantoine.

Ma vieillesse et mes maladies m'ont empêché, monsieur de répondre plus tôt à votre lettre du 21 mai; mes yeux affaiblis distinguent à peine les caractères.
Je suis peu en état de juger de la réforme que vous voulez faire dans les langues de l'Europe. Il en est peut-être de ces langues comme des mœurs et du gouvernement; tout cela ne vaut pas grand'chose. C'est du temps qu'il faut attendre la réforme. On parle comme on peut, on se conduit de même, et chacun vit avec ses défauts comme avec ses amis.

Cependant, si vous voulez absolument réformer les langues, vous pouvez m'adresser votre ouvrage à Lyon chez m. Lavergne, mon banquier, par les voitures publiques. En attendant que la langue française se corrige, et que tout le monde écrive français avec un a et non pas un o comme st François d'Assise mon cher patron, j'ai l'honneur d'être selon la formule ordinaire des Français

monsieur

votre très humble.