1768-05-27, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charles Frédéric Gabriel Christin.

Mon cher ami, Mon cher philosophe,

en défendant la cause de la veuve et de l'orphelin, vous n'oubliez pas sans doute celle de la raison, et vous cultivez la vigne du seigneur avec quelques succès dans un canton où il n'y avoit point de vin avant vous et où tout le monde presque sans exception, buvait de l'eau croupie.
Vous savez qu'on veut persécuter notre ami D'Orgelet pour de très bon sel qu'on prétend qu'il débite gratis à ceux qui veulent saler leur pot. Mais je ne crois pas qu'on vienne à bout de perdre un homme si estimable. S'il y a quelque chose de nouveau, je vous prie de m'en informer. Mon cher Vagniere est malade, c'est ce qui fait que je vous écris d'une autre main. Je me flatte que vous n'abandonnerez pas entièrement votre retraite philosophique. Je vous embrasse de tout mon cœur.