1768-04-11, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charles Georges Fenouillot de Falbaire de Quingey.

Il ne vous manque plus rien, Monsieur, vous avez pour vous le Public, et il n'y a contre vous que

Ce lourd Fréron diffamé par la ville
Comme un bâtard du bâtard de Zoïle.

Je ne suis point du tout étonné que cet imbécile maroufle, l'opprobre des supérieurs qui le tolèrent, n'ait pas senti l'intérêt prodigieux qui règne dans vôtre ouvrage.

Les Frérons sont ils faits pour sentir la nature?

Vous avez très bien fait d'ajouter à l'histoire du jeune Fabre tout ce qui peut la rendre plus touchante. Le fait n'est pas précisément comme on le débite. S'il était tel, on n'aurait pas défendu à ce jeune homme, en le tirant des galères, d'approcher de Nismes de plus de dix lieües. Je suis très instruit de toute cette affaire, puisqu'il y a longtems que Fabre m'a fait prier d'écrire en sa faveur au commandant de la province, et j'ai pris cette liberté. Il vous devra beaucoup plus qu'à moi, puisque vous avez intéressé pour lui toute la nation. Je suis charmé que vous soïez lié avec M. Marmontel. Il est mon ami depuis plus de vingt ans; c'est un des hommes qui méritent le plus l'estime du Public et les aboiements des Frérons.

J'ai l'honneur d'être avec tous les sentimens que je vous dois, Monsieur, votre &c.

Voltaire