1768-02-10, de Voltaire [François Marie Arouet] à Étienne Noël Damilaville.

Mon cher ami, on me mande que m. l'archevêque de Paris a fait un mandement fort sage sur Belisaire.
Je serais curieux de le voir ainsi que le discours de m. Seguier, dont j'ai l'honneur d'être confrère à l'académie. Nous nous glorifions d'avoir eu autrefois pour protecteur un chancelier de son nom. Je vous prie de vouloir bien me faire parvenir ces deux chefs d'œuvre.

Je sens bien que vous ne serez pas homme à accepter la petite place de Versoi, et à vous arranger avec ceux qui disposeraient de la place de Paris; mais je préfère vos intérêts au bonheur que j'aurais de vivre avec vous. Mandez moi, je vous prie, où vous en êtes et si vous comptez sur un établissement solide.

J'ai écrit à Francfort, pour vous faire venir le petit livre intitulé, L'Homme aux quarante écus. C'est un géomètre un peu financier qui en est l'auteur. Il est de votre opinion sur l'impôt unique, mais il n'en est point sur la taxation des terres. C'est d'ailleurs un fort bon homme, et je crois que vous vous accomoderez de lui quoique vous soyez d'avis différent.

A l'égard du dîner de st Hiacinthe, il est d'une rareté extrême en Suisse. Je l'ai lu en courant. C'est un tissu de mauvaises plaisanteries et d'invectives violentes. Je ne conçois pas comment on a le front de m'attribuer cet indigne ouvrage; il n'y a que des Freron qui puissent établir de pareilles calomnies.

Je vous conjure, mon cher ami, de détruire ces impostures avec votre éloquence qui sert si bien l'amitié et la vérité.