1er février 1768
Le froid excessif, la faiblesse excessive, la vieillesse excessive, et le mal aux yeux excessif ne m'ont pas permis, monsieur, de vous remercier plus tôt des premiers volumes de votre Vocabulaire, et du Don Carlos de monsieur votre cousin.
Toute votre famille paraît consacrée aux lettres. Elle m'est bien chère, et personne n'est plus sensible que moi à votre mérite et à vos attentions.
Plus vous me témoignez d'amitié, moins je conçois comment vous pouvez vous adresser à moi pour vous procurer l'infâme ouvrage intitulé: le dîner du comte de Boulainvilliers. J'en ai eu par hasard un exemplaire et je l'ai jeté dans le feu. C'est un tissu de railleries amères et d'invectives atroces contre notre religion. Il y a plus de quarante ans que cet indigne écrit est connu, mais ce n'est que depuis quelques mois qu'il paraît en Hollande avec cent autres ouvrages de cette espèce. Si je ne consumais pas les derniers jours de ma vie à une nouvelle édition du Siècle de Louis XIV augmentée de près de moitié, si je n'épuisais pas le peu de force qui me reste à élever ce monument à la gloire de ma patrie, je réfuterais tous ces livres qu'on fait chaque jour contre la religion.
V.