Paris 26 Jer [1768]
Où Diable avez vous pris que je fais un Boucan de ma maison et que j'ai vendu ma Bibliothèque?
Ces deux nouvelles ne sont pas plus vraies l'une que l'autre. Je crois que malgré la mauvaise santé dont vous vous vantez il vous seroit plus aisé qu'à moi de contribuer au plaisir d'une Jeune donzelle, et certainement il me seroit, Je crois, impossible de vivre si je n'avois pas la consolation d'avoir mes livres. Il est vrai que Je me suis défait de mes doubles parce que je n'en avois pas besoin, de mes livres grecs parceque je n'entends point le grec et que je suis trop vieux pour l'apprendre et des Pères de l'Eglise parceque je ne trouve pas qu'ils raisonnent mieux que le Docteur Ralph; mais il me reste encore plus de 30 mille volumes et une Bibliothèque qui en contiendra bien 45 mille.
Je vous envoie la feuille qui vous manque. Aulieu de me parler de mon libertinage vous auriez bien dû me dire ce que vous pensez de mon ouvrage et ce que vous croyez qu'on en doit penser. Si vous y trouvez quelques fautes, vous me ferez grand plaisir de m'avertir pour les corriger et si vous voulez bien me donner quelques bons conseils ce sera une marque d'amitié à laquelle je serai très sensible.
Vous m'obligerez sans doute on ne peut pas d'avantage de me procurer ces ouvrages du Diable dont vous me parlez; mais auparavant faites moi le plaisir de m'envoyer la note de ceux que vous pourriez m'envoyer et je vous marquerai ceux que je désire en ayant déjà plusieurs. Je vous procurerai aussi le moyen de me les faire parvenir.
Réellement mandez moi ce que vous pensez de mon ouvrage et comptez sur mon ancienne et tendre amitié.
Si ce n'est pas là tout ce qui vous manque mandez le moi.