à Compiegne ce 19 juillet 1767
Je reçois toujour avec bien de la sensibilité, monsieur, Les nouvelles marques d'amitiéz, dont vous m'honoray.
Je les mérite par celle que j'auray toutte ma vie pour Le plus grand homme de la terre; et par tous les sentimens que vous m'avés inspiré. Je m'estimeray bien heureux, de pouvoir vous en convaincre, et de faire ce qui peut vous être agréable; vous recevray incessament, l'ordre naturel et essentiel des societées politique, qui parais de puis très peu de tems. Je ne L'ay point encore lu, j'en entend parler très diversement. A en juger par la préface, il doit être médiocre. Les idées peuvent êtrent Bonnes, mais mal rendu, mal écrites. Vous nous avés gâté, monsieur, il n'i aura jamais qu'un Voltaire.
J'auray le plus grand plaisir à m'instruire avec les ouvrages que vous voudray bien me procurer. J'aÿ prié le major d'avoir l'honneur de vous voir à ce sujet, en désirant plusieurs, qui seroient arrettéz s'ils m'étoient envoyés par les voitures publiques. Je vous seray très obligé, de permettre qu'un de vos secrétaires, lui indique les moyens de les avoir, et lorsque La légion de Soubise, ne sera plus apportté de vous, de donner ordre, que Les paquets qui pouraient craindre, que vous voudray bien m'envoyer, soient adressés à Lion sous double envelloppe, A Mrs Berrieges freres ngt place confert et Léon. Que de pardons n'aije pas à vous demander, et que de grâces n'aije pas à vous rendre? Disposé de moy aussi je vous prie dans tout ce qui poura vous faire plaisir.
Il faut monsieur que je vous ouvre mon cœur, d'après la confiance que vous m'avés inspiré, et Les conversations que nous avons eus, sur la dernière guerre, sur La nécessitée qu'il y aurais d'instruire le public, de tout ce qui s'i est passé; vous seul, monsieur, pouvés en écrire l'histoire, c'est un service à rendre au monde entier, et particulièrrement à l'Europe, que de l'instruire de tous les événemens qui sont arrivés, pendant le cour d'une guerre aussi intéressante, c'est un plaisir à lui faire, que de lui donner un de vos ouvrages, ce sont des obligations infinis que l'on vous aura; pour moy, si le projet que j'ay l'honneur de vous proposer, peut vous plaire, je regarderay le jour ou je l'ay formé comme un des plus heureux de ma vie.
J'ay des mémoires très intéressants, sur les différentes actions de cette guerre; j'en ay Les ordres de marche, de bataille; je peut monsieur, par des amis, vous procurer une grande partie des correspondances, et vous instruire dans La plus éxact vérité de tout ce qui si est passé; s'il était nécessaire que je fit un Voyage jusqu'a Fernaÿ, vous ne doutés pas du plaisir que j'aurais à vous ÿ rendre mes devoirs, je prendrais des notes, sur ce qui aurait put être obmit, dont vous vouderiés être instruit, et je vous les enverrais.
Vous sentés monsieur, L'importance qu'il ÿ a de garder Le plus grand secret, sur ce projet, qui ne manquerais pas d'être contrarié, La vérité ne pouvant flatter tout Le monde; je n'ay point voulu vous en écrire directement par la poste. Je vous prie de me répondre par le major, Les lettres qui partent de chés vous peuvent étrent ouvertes; et m. Jaunel ne manquerais pas d'instruire le roy, et Le ministre. Comme Frimont, ignore, ce que contient cette lettre que je présume, il aura l'honneur de vous porter, je vous prie de ne point Lui en parler.
Je n'ay point communiqué mon idée, à cet homme si respectable, si vertueux. J'attend votre réponse monsieur. Il a une si belle âme, que j'aurais craind qu'il s'i oppossa. Ah! pourquoy tous les hommes ne lui ressemblent t'ils pas, il n'i aurais point de méchans; vous avés bien raison de l'aimer, il a pour vous l'estime la plus parfaitte, et me charge touttes les fois que j'ay l'honneur de lui en parler, de vous dire mil chosse. Je lui ay Communiqué Les ouvrages que vous m'avés donnay, ils ont fait ces délices; je ferois les miens d'être apportté de jouir de Votre solitude, et des agrémens de votre aimable societée. Je vous prie de ne m'i point oublier, et de présenter mes respects à Me Denis. Recevés les assurances de ceux avec lesquels je suis monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur
Wargemont