ce 10/21 Juin 1771
Monsieur, Après une bataille aussi signalée que celle de Tchesme, la première Victoire navale que la Flotte de l’Empire de Russie aye gagnée depuis 900 ans, il parut bien naturel de rendre au fondateur de cette marine dans la Ville qu’il avoit bâti un homage de la reconoissance Publique.
Le lendemain dont du Te Deum chanté dans l’Eglise où cet Empereur est inhumé, on célébra en grande Cérémonie selon le rite de la vraye Eglise Catholique grecque un service pour le repos de son âme, mais avant qu’il comença l’Evêque de Twer prononça le Sermon que la Princesse Daschkof Vous a doné et dont Vous trouvé le sujet si beau. Il n’i eut persone des assistans qui ne donna des marques de sensibilité et de reconoissance pour la mémoire de ce grand home, et nous sortimes tous de l’Eglise très content les uns des autres. J’ai regretée seulement que l’Etandard de l’Empire Ottoman que les nôtre avoit arraché de dessus le Vaisseaux Amiral Turk aye volé en l’air avec notre navire l’Eustache, ce qui m’a privée du plaisir ce jour là de l’étendre de mes mains au pied de la tombe de Pierre le grand.
Je ne connois les ouvrages du Sr. la Salle que par ce que Vous venés de m’en dire; si mon portrait qui est dans Votre salon me ressemble il doit Vous exprimer ma sensibilité pour l’amitié que Vous voulés bien me marquer. Votre conversation de quatre heures avec la Princesse Daschkof sur mon sujet m’en est une nouvelle preuve. Le Sermon prêché à Ste: Toleranski que Vous m’avés envoyé est admirable, la guayeté qui règne dans ses Sermons là, les rend bien efficaçe et préserve les Auditeurs de l’ennuy que la plupart des autres prédicateurs inspirent. Vous trouvé dont Monsieur, mes enemis bien sots, cependant une grande partie de l’Europe a beaucoup de peine à ce persuader que le grand Turk et les prétendu Confédérés ses amis soyent aussi dépourvu du sens comun qu’ils le sont en effet. J’espère que la postérité dégagée de passions me fera justice de ses gens là, et Vos écrits n’y contribueront pas peu.
La Cour de Viene au lieu des Croisades qu’on lui supposait et le Roy de Prusse par leurs bons offices ont porté le sultan après avoir été bien batu à mettre le Sr. Obrescof en liberté, ce qui achemine la Paix qui cependant n’aura pas lieu avant que cette Campagne ne soit terminé.
Lorsque je répondait à Votre lettre du 15 de May j’ai reçu celle du 25e du même mois, où Vous me parlé de Mr: Poliansky, que je fais voyager, s’est un jeune offiçier qui s’est distingué par son intégrité en Siberie, où il a par ordre du gouverneur réparti dans deux cercles une Capitation unique au lieu des vexations qui ce cometoit ancienement, au grand contentement de tous les paÿens aux quels il a eu à faire et qui ce montoit à plus de quatorze mille âmes; le gouverneur me l’ayant fortement recomandé et trouvant en lui joint à ses qualités un grand désir de s’instruire, je l’ai envoyée dans les pays Etranger. Il auroit crut qu’il lui auroit manqué beaucoup s’il ne Vous avait vu et entendu; compatriote d’Attila mais bien éloigné de la possibilité de l’imiter je lui souhaite au moins une Princesse Honoria pareille à celle que Vous cités, sœur ou fille de quelque souverain bien sot, n’importe pourvu qu’elle aye une bone dote car Mr: Paliansky n’est pas riche. Ne pourriés Vous point lui en procurer une? Je Vous remerçie au reste bien sincèrement de l’accueil obligeant que Vous faites aux Russes qui vienent Vous voir. Ils en sont bien reconoissant et ne cessent de chanter les Louanges du Seigneur de Ferney.
L’Envoyé d’Espagne m’a dit hier en me notifiant le décès d’un Infant mort de la petite Vérole, que le Roy d’Espagne avoit déclaré que ce ferait inoculer qui voudrait mais que jamais il ne le permettrait à sa famille quoique l’Impératrice Reyne lui en eût doné l’exemple. Ne trouvés Vous pas extraordinaire qu’un Roy de guayeté de cœur prenne la résolution de livrer toute sa famille à la mort? Sa Majesté Catholique ce fait je pense saigner par précaution, hébien s’il raisone conséquenment pourquoi ne pas préserver sa famille de la plus horrible des maladies par un moyen aisé et qui en vérité est moins douloureux qu’une saignée? Je suis persuadée que le grand Inquisiteur ce ferait inoculer aussi, pour plaire au Roy d’Espagne qui l’en récompenserait par quelque grosse Abbaye, ce qui vaut bien quelque grains de petite vérole.
Je n’ai rien à redire aux amusement présent de Messieurs les Welches parceque je trouve que tout est au mieux dans le meilleur des mondes possibles. On dit qu’ils ont eu un très beau feu d’Artifice au Noces du Cte: de Provence. Je Vous prie d’être assurés des sentimens que j’ai pour Vous et de me continuer Votre souvenir. S’est aujourd’huy que l’armée comandée par le Gl: Prince Dolgorouki ce présente devant Perecop. Vous lui souhaité bonheur n’est ce pas?