ce 23 May/4 Juin 1771
Monsieur, si Vous Vous faites porter en litière à Taganrok come Votre lettre du 6 de May me l’anonce, Vous ne pourrés éviter Petersbourg.
Je ne sait si l’air de ma cour Vous conviendrai, ni si huit mois d’hiver Vous rendrai la santé. Il est vrai que si Vous aimés à être au lit le froid Vous en fournirai un prétexte spéçieux, mais pour sûr Vous ne seriés point gêné: j’ose dire qu’il n’i a guère d’endroit où l’on l’est moins; à l’égard des billets de confession, nous en ignorons jusqu’au nom; nous conterions pour un ennui de parler des disputes rabatuës sur les quelles on prescrit le silence par édits dans d’autres pays; nous laissons croire à chaqu’un ce qui lui plait. Tous les Chinois de bone compagnie planterai là le Roy de la Chine et ses vers pour ce rendre à Nipchou si Vous y veniés, et ils ne ferait que leur devoir en rendant homage au premier lettré de notre Siècle.
Le croiriés Vous Monsieur? Mes voisins Orientaux tels que Vous les descrivés sont les meilleurs des Voisins possible, je l’ai toujour dis et la guerre présente m’a confirmé dans cette opinion.
J’attend avec l’impatience que je n’ai que pour Vos ouvrages, le quatrième et cinquième Tome des questions sur l’Encyclopedie, je Vous en remercie d’avance; continués je Vous prie à m’envoyer Vos exellentes productions, et battons Moustapha, les croquignoles que Vous lui donnés devrai le rendre sage; il en est tems. Je Vous ai mandé dans ma préçédente qu’il y a aparence que mon Résident est relâché. Les Princes et les Républiques Chrestiene sont eux même la cause des affronts que leurs Ambassadeurs essuyent à Constantinople, ils en font trop acroire à ses barbons; ce montrer ou intriguans ou rampans n’est pas le moyen de ce faire estimer. Le Roy Guillaume d’Angleterre disoit qu’il n’i a pas de point d’honeur à observer avec les Turks. Voilà la règle apeuprès que toute l’Europe a suivie, et s’est aussi ce qui a gâté les barbares. Les Italiens ont traité leurs prisoniers de guerre avec duretés, mais ils ont doné l’exemple de la souplesse vis à vis de la Porte.
Les nouvelles d’Aly bey portent qu’il fait des progrès en Sirie qui allarment d’autant plus le sultan qu’il n’a que peu de troupes à lui opposer.
Si le Chev: de Boufleurs qui est allé faire le Chevalier errant incognito parmi les prétendu confédérés enlève Vos montres de Ferney, j’espère que Vous aurés assés de crédit sur lui pour Vous les faire rendre.
Soyés assurés que ce sera avec bien du plaisir que je me prêterai à encourager Vos fabriquans et Votre fabrique; je crois qu’il ne serait point impossible de faire passer de leurs ouvrages à la Chine, mais il faudrait pour cela quelque marchand instruit qui sût les allures du Comerce de Kechta, s’est la place frontière de la Russie où ce Comerce ce fait. Il y a cinq ans apeuprès qu’à Moscow et à Tobolsk il s’est établi quelques faiseurs de montres, dans l’intention d’en envoyer à la Chine, cependant je crois qu’ils ce sont borné jusqu’ici au débit intérieur de cet Empire çi. Le transport de Moscow jusqu’à Selenginsk ce fait par eaux et les fraix en sont très modiques. Je fait revoir le tarif de la Douane du Comerce de la Chine dans l’intention de l’alléger pour favoriser l’exportation et l’importation. Les prix que Vous marqués sont si modiques que ses ouvrages ne peuvent qu’avoir un grand débit.
Je conois le Manifeste in quarto dont Vous me parlés, le Duc de Choiseuil, qui n’étoit pas prévenu en notre faveur, l’avoit fait suprimer à cause de son absurdité et des calomnies ridicules qu’il contenoit, par là Vous pouvés juger du mérite de la pièçe. Les cruautés qu’on y reproche à mes troupes sont des mensonges pitoyables. S’est aux Turks auquels il faut demander des nouvelles de l’humanités des troupes Russes pendant cette guerre. La populaçe de Constantinople même et tout l’Empire Turk ne fait qu’en parler avec étonement. Cette conduite a fait une si grande impression sur ce peuple qu’il attribue toute nos Victoires à la bénédiction du Ciel obtenu par l’humanité avec laquelle on en a usé vis à vis d’eux en toute occasion. D’ailleurs ce n’est pas aux brigands de Pologne à parler sur cette matière, ce sont eux qui comettent tout les jours des féroçités épouvantables envers tous ceux qui ne ce joignent pas à leurs clique pour brûler et piller leurs propre pays.
Vous voudrés bien Monsieur que je Vous remerçie particulièrement pour le ton d’Amitié et d’intérêts qui règne en général dans Votre dernière lettre, j’en suis bien reconoissante et véritablement touchée. Continué moi Votre amitié et soyés assurés que la miene Vous est sincèrement acquise.
Caterine