au château de Ferney 25e xbre 1767
Monseigneur,
Je me tourne de tous les côtés pour me tirer du triste état où je suis, et pour procurer à votre chambre de Montbeliard les facilités qui luy sont absolument nécessaires.
Je ne cherche qu'à servir votre altesse sérénissime, en m'assurant mes droits suivant votre justice.
Je trouve un génevois qui consent à vous prêter Monseigneur en votre propre et privé nom sur votre billet payable à ordre soixante mille livres pour un an. J'en demeurerai même caution s'il le faut en cas que le genevois s'y obstine. Il ne demande que l'intérest ordinaire à cinq pour cent.
Votre altesse se n'a qu'à me confier son billet:
Je paierai au 15 janvier 1768 prefix au sr Rafot ou à son ordre la somme
de soixante mille livres de France valeur reçue comptant, datté, et signé.
Si vous voulez sans vous géner, me payer quelque chose sur cette somme, vous serez le maître!
Si vous voulez aussi pour mettre vos afaires en règle avec moy approuver le projet que j'ay l'honneur de vous adresser c'est l'affaire d'un moment, et vous serez délivré d'un fardeau incomode.
Ce projet communiqué à deux avocats leur a paru très raisonable. Il vous donne touttes les facilités possibles. Personne ne peut être heureux sans avoir de l'ordre dans ses affaires. Le même homme qui vous prête, me prétera aussi dès que vous aurez eu la bonté de m'envoier le double de l'ordre que je demande à votre altesse se pour votre chambre de Montbéliard, parce que l'acceptation de vos fermiers sera sa sûreté. Si vous aimez mieux m'envoier un homme de confiance, je luy ferai délivrer les 60000lt et il me remetra votre rescript concernant les délégations.
Votre altesse se me permettra t'elle de la prier qu'en cas qu'elle m'envoye un homme chargé de ses ordres, il arrive avec deux bons chevaux de carosse. Je les luy achèterai, ayant été obligé de vendre les miens, et je luy en donnerai un pour son retour.
Je vous demande pardon monsieur de la liberté que je prends: mais vos bontés me donnent cette confiance.
Je suis avec le plus profond respect
Monseigneur
de votre altesse sérénissime
le très humble et très obéissant serviteur
Voltaire