1767-11-25, de Voltaire [François Marie Arouet] à Godefroy Charles Henri de La Tour d'Auvergne, duc de Bouillon.

Monseigneur,

Les bontés dont vôtre Altesse m'a toujours honoré m'enhardissent à vous faire une prière.
On fait actuellement une nouvelle édition du Siècle de Louïs 14. J'ai toujours pensé que la cause de la persécution soufferte par Mr le Cardinal De Bouillon lui était très honorable. Il déffendit généreusement son ami l'archevêque de Cambrai, contre des ennemis acharnés qui voulaient le perdre pour des billevesées mistiques. Je trouve la Lettre qu'il écrivit à Louïs 14 en quittant la France, nonseulement très noble, mais très justifiable, puisqu'il était né lorsque son père était souverain de droit et de fait.

Je présume que Vôtre Altesse a des Lettres de Mr le Cardinal De Bouillon sur cette affaire. Si elle daigne me les confier j'en ferai usage avec le zèle que j'ai pour sa maison sans la compromettre, et en conciliant les devoirs d'un historien avec ceux d'un sujet.

Si vous m'accordez, Monseigneur, la grâce que je vous demande, vous pouvez aisément me faire tenir le paquet contresigné par Mr le Prince De Soubise, ou par quelque autre. Je joindrai ma reconnaissance à l'ancien attachement et au profond respect avec lequel j'ai l'honneur d'être

Monseigneur

De vôtre Altesse

Le très humble et très obéissant serviteur

Voltaire