4e 7bre 1767
Nous remercions bien tendrement made Denis et moi, nôtre très cher et gros neveu.
Il est éxact dans les affaires; il est serviable, il ne plaint point sa peine, il écrit, il rend bon compte. Et Laleu qui est peut être aussi gros que lui n'écrit jamais. Vous avez, mon cher neveu, toutes les qualités sociales, comme disent les nouveaux philosophes; et maman aimera les parlementaires à cause de vous.
Mr De Laharpe vous est bien obligé de la part que vous daignez prendre à ses succès. C'est un garçon de beaucoup de mérite, et qui doit aller loin dans le malheureux genre qu'il a embrassé.
Il est vrai qu'il y a bien des fêtes à Ferney, mais c'est maman qui s'en mêle uniquement, elle a le département des plaisirs, de la grande chère, des spectacles, des bals, et de la ruine. Pour moi je mêne une vie toujours souffrante et languissante. J'ai pensé mourir d'une indigestion de vers barbares en lisant Guillaume Tell et les Illinois. Ce sont bien messieurs les Français qui sont des Illinois eux mêmes en soufrant des choses aussi sauvages. Je suis comme vous savez pour la tolérance, mais non pas pour celle des mauvais vers. Je me flatte que vôtre oncle le Turc est enfoncé actuellement dans l'histoire des Califes. Il a le malheur d'être soudiacre, il n'aura pas pu dire de l'Alcoran autant de bien que le comte de Boulainvillers. Faittes lui, je vous prie, nos tendres compliments. Je n'ai point répondu à la Lettre par laquelle il m'annonça la convalescence de made D'Argental que je savais déjà. Je compte que cette Lettre sera ma réponse, je ne vous sépare point de lui. Si vous allez faire un tour à Hornoy cet automne, embrassez je vous prie pour moi madame vôtre mère et Monsieur Deflorian.
Adieu, vous êtes aimé à Ferney autant que vous l'êtes à Hornoy.
V.