1767-04-22, de Voltaire [François Marie Arouet] à Prince Aleksandr Romanovich Vorontsov.

Monsieur,

Madame Cramer m'a dit qu'elle vous avait envoyé une édition des Scithes très incorrecte.
Je ne suis plus dans l'âge des passions mais j'ai toujours celle de vous plaire.

Je ne puis me dispenser d'envoyer à vôtre Excellence une colection plus complette, et moins indigne d'elle. Peut-être en gratifierés vous quelque libraire de la Haye, on imprime très bien dans ce pays là. Partout où vous étes vous serés le protecteur des lettres. Il m'est tombé entre les mains un imprimé concernant vôtre auguste Impératrice, j'aurai l'honneur de vous l'envoyer par le premier courier. C'est un très petit ouvrage mais il m'a paru plein de grâces et de vérités; Je crois qu'il méritera votre attention.

Vous voyés que je n'attends que des occasions de vous écrire et de vous renouveller mes hommages. A mon âge on n'écrit point de vains complimens, et on n'interrompt point les occupations des hommes d'état pour ne leur rien dire; il faut une baze aux lettres, sans quoi ce ne sont que des mots. Mais ne regardés pas je vous en supplie comme de simples paroles les témoignages de l'estime, de l'attachement et du respect avec les quels j'ai l'honneur d'être

Monsieur

De Votre Excellence

Le très humble et très obéïssant serviteur

Voltaire gentilhomme ord. de la chambre du roi