1767-01-14, de Voltaire [François Marie Arouet] à Étienne Noël Damilaville.

Votre lettre du 8 janvier, mon cher ami, m'a remis un peu de baume dans le sang; c'est le sort de toutes vos lettres.
Le président du bureau n'est pas pour les fidèles, mais le chevalier de Châtellux est fidèle. M. de Montyon est fidèle aussi, et c'est beaucoup. Il y a 20 ans qu'on n'aurait pas trouvé les mêmes appuis. Laissez crier les barbares, laissez glapir les Welches; la philosophie est bonne à quelque chose.

Il se peut faire qu'en brûlant une toise cube de papiers, lorsque je faisais mes paquets, j'aie aussi brûlé le billet de onze cents livres dont vous me parlez; mais le remède est entre vos mains.

Je suppose que vous avez donné déjà les trois cents livres à m. de Lamberta. Il faut pardonner si on n'a pas encore exécuté tous ses ordres; il doit deviner la confusion horrible où l'on est. Nous avons des troupes et nous ne mangeons actuellement que de la vache.

Les Sirven ont de l'argent pour leur voyage et pour leur séjour. Ils sont à vos ordres. Je mourrai content quand nous aurons joint la vengeance des Sirven à celle des Calas.

Envoyez, je vous prie, à m. de Lamberta la copie de ma lettre à m. le chevalier de Pezay; elle le regarde beaucoup. Rousseau est un scélérat qui périrait par le corde s'il reparaissait sur le territoire de Genève. Il importe de faire connaître entièrement ce misérable. Je puise ma sensibilité pour les innocents malheureux dans le même fonds dont je tire mon inflexibilité envers les perfides. Si je haïssais moins Rousseau, je vous aimerais moins. Ecrasez l'infâme.