1766-04-16, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jean Baptiste Antoine Suard.
J'ai lu ce que vous avez dit
De mes lambeaux épistolaires;
Les louanges ne me sont chères
Que par la main qui les écrit.
Combien les vôtres sont légères!
Déjà l'amour propre aux aguets
Venait me tendre ses filets,
Et me bercer de ses chimères;
Soudain, avec dextérité,
Une critique délicate,
Et que j'approuve et qui me flatte,
Me vient offrir la vérité.
Que vous la rendez séduisante!
J'ai cru la voir sans sa beauté;
Elle n'a jamais d'âpreté,
Quand c'est le goût qui la présente.
Sous nos berceaux l'arbre étalé
Doit sa vigueur à la nature;
Mais il doit au moins sa parure
Aux soins de l'art qui l'a taillé.
J'aime l'éloge et je l'oublie,
Je me souviens de la leçon.
L'un plut à ma coquetterie,
Et l'autre plaît à ma raison.

Voudrez vous bien vous charger de mes compliments pour madame? Je vous envoie une boufonnerie que j'ai adressée à mademoiselle Clairon. De grâce, ne nommez pas l'auteur.

V.