1766-01-10, de Voltaire [François Marie Arouet] à marchese Francesco Albergati Capacelli.

Les hivers me sont toujours funestes, Monsieur.
Qui souffre ne peut guères écrire; je vous dis bien rârement combien je m'intéresse à vous, à vos plaisirs, à vos goûts, à vos peines, à tous vos sentiments.

Je reçus ces jours passés, la traduction de la mort de Cesar, et de Mahomet, par Mr Cesarotti. Je ne sais si je tiend ce présent de vos bontés ou des siennes; je lui écris à Venise chez son Libraire Pasquali. Je m'imagine que par cette voie il recevra sûrement ma Lettre.

Il y a un philosophe naturaliste, que je crois de Toscane, qui m'envoia il y a quelques mois un recueil d'observations faittes avec le microscope, il y combat les erreurs insensées d'un Irlandais, nommé Néedham, avec toute la politesse d'un homme supérieur qui a raison. J'ai malheureusement perdu la lettre dont ce philosophe aimable m'honora: peut être son livre sera parvenu jusqu'à vous, Monsieur, quoi qu'il me semble que vôtre goût ne se tourne pas du côté de ces petites recherches; mais si vous pouvez savoir par quelqu'un de vos académiciens le nom de cet ingénieux observateur, je vous suplie de vouloir bien m'en instruire, afin que je n'aie pas à me reprocher d'avoir manqué de politesse envers un homme qui m'a fait tant de plaisir.

Adieu, Monsieur, nous sommes transis de froid, et je suis actuellement en Siberie.