2 8bre 1765
A peine le petit prêtre a-t-il reçu ses roués de la part de ses divins anges, qu'il s'est mis sur le champ à faire ce que lesdits anges ont prescrit, excepté à la scène d'Octave et de Julie.
Le pauvre diable confesse qu'il ne peut réchauffer cette scène, et il dit qu'il lui est impossible de faire d'Octave un amoureux violent. L'impuissance dont il convient lui fait beaucoup de peine, mais il dit que c'est le seul vice dont on ne peut pas se corriger.
Ce malheureux prêtre renverra le plus tôt qu'il pourra ses roués avec l'honnête préface convenable en pareil cas. Le temps ne fait rien à l'affaire. Il compte sur les gens qui aiment l'histoire romaine; mais comme il y en a beaucoup plus qui aiment l'opéra comique, il n'espère pas un succès prodigieux.
Pour moi j'attends Adélaïde, et je la renverrai aussi avec sa préface, car il me semble qu'elle en mérite une.
Je ne savais point que Clairon eût manqué à mes anges, quand je lui fis je ne sais comment des vers héxamètres comme pour une héroïne romaine, mais elle avait si bien joué Electre, elle avait été si fêtée par tout le pays, elle avait été si honnête et si polie que j'en fus enquinaudé.
On dit qu'il n'est pas bien sûr que l'on donne à Fontainebleau toutes les fêtes qu'on préparait.
J'ai écrit un petit mot de félicitation à mr Hénin; mr le duc de Praslin ne pouvait faire un meilleur choix; ce sera un homme de bonne compagnie de plus, dans notre petit canton allobroge. J'adressai ma lettre à m. de ste Foy, ne sachant pas si m. Hénin est à Paris.
Le plaisant secrétaire d'ambassade que Jean Jaques! Voilà un étrange original; c'est bien dommage qu'il ait fait le vicaire savoyard. La conversation de ce vicaire méritait d'être écrite par un honnête homme.
J'ai vu depuis peu des fatras d'instructions pastorales, d'arrêts contre les instructions, d'arrêts contre les arrêts, et de lettres contre les arrêts, et de lettres sur les miracles de Jean Jaques, et j'ai conclu qu'une tragédie est plus touchante, et que ce qui plait aux dames est plus agréable; et je dis dans mon cœur, il n'y a de bon que de souper avec ses amis, et de se réjouir dans ses œuvres, et j'ai surtout ajouté que la consolation de la vie consiste à être un peu aimé de ses divins anges, ces divins anges à qui je n'ai pas l'honneur d'écrire de ma main, attendu que je suis retombé dans mes malingreries, et je ne m'en mets pas moins à l'ombre de leurs ailes.
V.