24 auguste 1765
La lettre que vous avez daigné écrire, mr. le marquis, est digne de votre cœur, & de votre raison supérieure.
Vous m'avez appris l'insolente bassesse de Freron que j'ignorais. Je n'ai jamais lu ses feuilles; le hasard qui vous en a fait tomber une entre les mains, ne m'a jamais si mal servi; mais vous avez tiré de l'or de son fumier, en confondant ses calomnies.
Si cet homme avait lu la lettre que madame Calas écrivit de la retraite où elle était mourante, & dont on la tira avec tant de peine; s'il avait vu la candeur, la douleur, la résignation qu'elle mettait dans le récit du meurtre de son fils & de son mari, & cette vérité irrésistible avec laquelle elle prenait dieu à témoin de son innocence, je sais bien qu'il n'en aurait pas été touché, mais il aurait entrevu que les cœurs honnêtes devaient en être attendris & persuadés.
Quant à mr. le maréchal de Richelieu & à mr. le duc de Villars, dont il tâche, dites vous, d'avilir la protection, & de récuser le témoignage, il ignore que c'est chez moi qu'ils virent le fils de madame Calas, que j'eus l'honneur de leur présenter, & qu'assurément ils ne l'ont protégé qu'en connaissance de cause, après avoir longtemps suspendu leur jugement, comme le doit tout homme sage, avant de décider.
Pour messieurs les maîtres des requêtes, c'est à eux de voir si après leur jugement souverain, qui a constaté l'innocence de la famille Calas, il doit être permis à un Fréron de la révoquer en doute.
Je vous embrasse avec tendresse, & je vous aime autant que je vous respecte.