1760-03-07, de Voltaire [François Marie Arouet] à marchese Francesco Albergati Capacelli.

Je reçois, Monsieur, La Lettre dont vous m'honorez en datte du 20 février; elle finit par une chose bien agréable; vous me faittes entrevoir que vous pouriez vous arracher quelque jour à la terre sainte, pour venir à la terre libre; en ce cas, je vous prierais de vous presser, car il y a quelque petite aparence que je ne serai pas encor longtemps in terra viventium, mes maladies augmentent tous les jours; la nature s'est avisée de faire, à ce qu'on appelle mon âme, un très mauvais Etui, mais je lui pardonne de tout mon coeur, puisque celà entrait nécessairement dans le plan du meilleur des mondes possibles.

J'ai L'honneur de vous envoyer, comme je peux, par les marchands de Genêve, L'hérétique, et l'impie Bolingbroke, afin que vous le réfutiez. Comme vous avez, Monsieur, la permission du Saint Père de lire ces livres abominables, et que nonseulement vous pouvez les avoir chez vous sans peché, mais que même vous gagnerez des indulgences plénières en les confondant, je ne fais nulle difficulté de confier à la messagerie, sous vôtre nom, ces insolents volumes.

Pour ma tragédie suisse, je ne peux la faire partir pour deux raisons, la première, parce que je ne la crois point bonne; la seconde c'est que toute mauvaise qu'elle est, mes amis, qui ont la rage du Théâtre, veulent la faire joüer à Paris. Mais je vous envoye en récompense une comédie, qui n'est pas dans le goust français: je souhaitte qu'elle soit dans le vôtre; les Lettres que vous daignez m'écrire, me font désirer de vous plaire, plus qu'au parterre de nôtre grande ville.

J'ay l'honneur d'être monsieur sans cérémonie mais avec la plus grande vérité

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