[11 July 1765]
Quand nous avons quelque chose de bon, nous nous empressons d'en faire part à nos amis.
Les vers cy à côté furent prononcés avant hyer à l'ouverture de notre théâtre par mr de Laharpe. La pièce soutint parfaitement un prélude aussi agréable, elle fut joüée à ravir. Mon frère partit le lendemain, c'est à dire hyer, il m'a laissé son fils pour lequel mes chers amis je vous demande un peu de part dans votre amitié. Je me flatte qu'il la méritera, du moins en témoigne t'il un très grand désir. Voilà les nouvelles les plus récentes de Fernex, après lesquelles je vais répondre à votre dernière du 28 qui nous parvint le jour même que partit celle de gronderie. La vôtre mes chers amis appaisa tout quoy que la quinsaine complette nous paroisse toujours un terme un peu trop long. Au surplus ceux qui voudront sçavoir des nouvelles de me de Florian propria manu et qui ne se contenteront pas de son secrétaire, ma foy, pourront fort bien comme on dit s'en torcher les barbes et soulageront beaucoup ce pauvre diable de secrétaire, auquel la charge ne paroit agréable que lorsqu'il employe ses foibles et nouveaux talents envers vous mes chers amis. Envers tout autre, c'est peine et point de profit, témoin Mr d'Argental qui toutefois m'a fait une réponse très honette à laquelle je me garderai de répliquer à moins de nécessité urgente. Revenons à nos moutons. Vous voilà donc toujours le bec dans l'eau mon pauvre abbé, mais cela ne vous va point du tout, le bec dans le vin encore passe. Il faut espérer qu'on vous tirera un jour de cette désagréable position pour vous en donner une plus convenable et c'est ce que nous vous souhaitons in nomine &c.
Me de la Roche est donc à la Bastille, voilà de quoy apprendre à parler ou à écrire car nous ignorons pour lequel des deux. Je serois bien fâché qu'elle y eût pour compagne la dame de la rue Jacob et je le suis beaucoup de la sçavoir elle même si mal gittée, quoyqu'au fonds je sois bien aise que justice se fasse et que chacun se mesle de ses affaires. Tant mieux que celle de Pau s'accomode, je voudrois bien en entendre dire autant de celle de Bretagne, car j'aime la paix.
Mr de Roffé nous a mandé les dispositions de Mr de Sylhouette dans le plus grand détail. Ce qui m'en plait beaucoup c'est que son cher père n'aura pas une obole. On nous dit aussi que la douleur de m. de Sylhouette se calme, je désire fort qu'on en dise autant de sa dévotion. Je désirerois plus encore mon cher abbé de pouvoir vous soulager de votre déménagement mais c'est bien le contraire puisque vous êtes en partie chargé du nôtre, ce qui (vu la différence de nos talents) fait justement le monde renversé. Je suis bien sûr cependant que vous vous en serés fort amusé, et comme je le suppose finni je vous en fais mon compliment. Votre nouvelle mon cher d'Hornoy sur les benedictins est belle et bonne et si les moines ont autant d'envie de renoncer à leur état que le public de les voir anéantis, il y a lieu d'espérer qu'ils n'existeront pas long temps. Ainsi soit il. Adieu mes chers amis, votre mère va vous conter ce qui se passe ici afin que vous soyés de belle humeur. Je me contente de vous embrasser de toute mon âme.
Il faut bien heurler avec les lous, me voilà engagé dans la troupe, pour le comique santan, trois grans rôle qu'il faut me ficher dans la tête. Ce n'es pas une petite afaire. Au surplus nos tragique sont excelens, c'est à dire Cramere l'enée et le peti de Laharpe, ma soeur très bone sans un grand défaux dons le tant ne la corigera pas. C'es domage que les grans rôle ne sois pas des rôle de mère. Ce Laharpe est un bone enfan qui ne se doute de rien, très male élevé, c'est Chimene é compagnie qui ont été cest présepteurs. Il en trouve ici qui vale mieux et qui ne le gâte poin dutout. Mon beau frère est parti, c'est une homme plin de santimans et d'onasteté. Il a enporté l'estime de tout le monde, il aime son fils pasionément et san est séparér avec le plus grand courage. Je ne sorais vous dire trop de bien de cet enfan, il est vife come à dix ans, resonable, sansible, dou, n'ouvran la bouche que pour dire des chose obligente et spirituelle, une très bele mémoire, une grande émulasion, poin de sufisence, enfin tout le monde l'aime à la folie et vous en feréz autant. Il est dans l'ivresse de la comédie, on luy fera faire des petis rôle de valait. Dans le tragique on l'abille en garde, tout cela le transporte, mais il n'an étudie pas moins quoy que son travaille soit pénible car on luy comance le latin qu'on ne luy avait poin montré. C'es le père Adan qui luy montre. Il prétant qu'il le luy montrerait en deux ans s'il l'avait avec luy. Adieu mes bons amis, un peu plus souvan de vos nouvelles. Coment vous trouvez vous dans la rue d'Anjou? Je vous aime et vous embrace de tout mon coeur.