1765-04-06, de Voltaire [François Marie Arouet] à François Achard Joumard Tison, marquis d'Argence.

Mon cher frère en Baile et en tous les apôtres de la raison je ne vous oublie point quoy que mes maux me permettent rarement d'écrire.
Vous recevrez de Paris les plumes qu'on vous envoie de Hollande.

Grâces soient rendues à l'être des êtres de ce que vous avez trouvé un aussi fidèle que mr de la Faie! Vous rendez service à l'humanité en éclairant des personnes de mérite qui en éclaireront d'autres, et qui formeront d'excellents citoiens.

Je me doutais bien que la justification des Calas prononcée d'une voix unanime par quarante juges du conseil charmeroit votre âme noble et sensible. On dit que les juges de Toulouse ne sont pas si charmés que vous. Ils se sont assemblez, ils ont voulu faire des remontrances. J'ignore s'ils oseront insulter ainsi à toutte L'Europe qui a leur arrest en horreur. On attend cependant que Le Roy, plus équitable que ce parlement, honorera les Calas d'une pension. Les maîtres des requêtes, protecteurs de l'innocence, ont écrit comme vous savez à sa majesté pour recomander la famille à ses bontez. Le Roy se fera adorer en accordant cette grâce.

Il y a eu des divisions à Geneve, mais il n'y a point eu de trouble. Pour notre maison elle est toujours dans l'heureuse tranquilité où vous l'avez vue, et vous y êtes toujours également aimé et honoré par tous ceux qui l'habitent.