1765-04-02, de Voltaire [François Marie Arouet] à Élie Bertrand.

Vous voudriez, mon cher philosophe, être assez heureux pour placer mr votre fils auprès du roi de Pologne.
Vraiment je le crois bien et si j'avais un fils j'en ferais autant que vous. Le vôtre à ce qu'on m'a dit est digne de se former sous un prince qui est le meilleur citoyen de son pays, le plus spirituel et le plus éloquent.

Je suppose que la main de votre fils est digne de la tête du roi et qu'il écrit aussi bien que sa majesté dicte; d'ailleurs le climat de Pologne ne doit pas effrayer un Suisse. Mon cher philosophe, si je n'avais que soixante ans je serais du voyage car j'aime à voir les grands hommes, mais malheureusement j'en ai soixante et douze qui joints à une très mauvaise santé en font plus que quatre vingt. On ne peut être plus sensible que je suis au souvenir dont mrss les comtes Mniszech m'honorent; je leurs présente mes respects; plus ils auront demeuré près de vous, plus ils devront plaire à leur aimable roi.

Je vous embrasse tendrement, ma philosophie est la très humble servante de la vôtre.

Voltaire