1765-03-25, de Voltaire [François Marie Arouet] à Étienne Noël Damilaville.

Vous avez dû recevoir, mon cher frère, un oracle d'Esculape, un mémoire de Sirven, et Mr D'Argental doit vous donner sept ou huit éxemplaires d'un livre intitulé Dictionaire philosophique, que la calomnie m'a imputé bien indignement.
Vous aurez dans quelque temps la philosophie de l'histoire, et vous y verrez des choses qui sont aussi vraies que peu connues. Cet ouvrage est d'un abbé Bazin qui respecte la religion comme il le doit, mais qui ne respecte point du tout l'erreur, l'ignorance et le fanatisme. Quand vous lirez cet ouvrage vous serez étonné de l'éxcez de bétise de nos histoires anciennes, à commencer par celle de Rollin. On dit que le livre est dédié à L'Impératrice de Russie par le neveu de l'auteur. J'aurais bien voulu connaître l'oncle. Il me parait qu'il enfonce le poignard avec le plus profond respect. On peut le brûler pour tout ce qu'il laisse entendre, mais à mon avis on ne peut le condamner pour ce qu'il dit.

Je vous répète que Rousseau est regardé par tous les honnêtes gens de Genêve comme un scélérat. Parlez en à Mr D'Argental, et vous verrez combien ce monstre était indigne du nom de philosophe qu'il avait osé usurper et désavouer tour à tour. Ce pauvre Diderot a bien été la dupe de ce charlatan. Comptez que celà fera tort à l'enciclopédie. Ut ut est, mettez vôtre emplâtre, songez à vôtre santé, et Ecr: L'inf:

Permettez que je foure icy une Lettre pour mr d'Alembert, et une pr M. Marmontel.